À peine les rideaux tombés sur la 1ère édition du Concours de l’innovation pour l’Afrique 2020 de l’UAT, Bequerelle Mbou, 23 ans, troisième de la compétition, avait déjà un autre défi à relever. Peu après le concours, Intel Corporation lui a demandé, ainsi qu’à son équipe, de faire une présentation en ligne de son projet. Cette démarche a donné lieu à une série de recommandations de l’équipe d’Intel, suivant lesquelles elle était appelée à travailler au cours des six prochains mois. Ce délai étant maintenant écoulé, il est prévu qu’elle fasse une deuxième présentation à l’entreprise, dans l’espoir d’obtenir son soutien pour développer son projet. Cette prochaine étape est cruciale pour Bequerelle parce qu’elle doit achever la deuxième partie d’une aventure qu’elle a commencée après sa victoire au Concours de l’UAT.
« Je ne m’attendais pas à figurer dans le top 10 de la sélection », dit-elle en s’exprimant sur l’ampleur de la compétition qui a accaparé l’attention de tout le continent. Afin de relever les défis au niveau continental, elle a pris la décision de changer la vision de son projet. Au début, elle avait une vision nationale, ayant acquis confiance en remportant le cinquième prix d’un concours national du meilleur projet de TIC dans son pays, le Cameroun. Son équipe a désormais porté son attention sur la façon dont son projet pourrait être utile à toute l’Afrique.
Madame Mbou est issue d’un milieu agricole, ses deux parents en plus d’être enseignants pratiquent l’agriculture. Son grand-père, également agriculteur, gère une plantation de café. Cela signifie que, dès son enfance, elle a dû participer aux activités agricoles pour soutenir sa famille, ce qui lui a inculqué un sentiment de fierté de travailler dur et une capacité intrinsèque de repousser ses limites.
Vivant dans une communauté agro-pastorale, sa famille a affronté au quotidien certains des problèmes et défis réels auxquels les agriculteurs sont confrontés au champ. C’est ce contexte, conjugué à son exposition aux TIC, qui a contribué à façonner son innovation. Très tôt, elle a décidé de ne pas fatalement suivre la trajectoire familiale dans l’agriculture et l’enseignement, elle est plutôt tombée amoureuse des télécommunications et y a vu un bon terrain pour explorer les problèmes agricoles et leurs éventuelles solutions.
Son innovation, FarmGuard, est une trousse électronique qui aide à protéger les cultures des dommages causés par les animaux. Elle est une réponse à une étude menée par l’’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), une agence spécialisée des Nations Unies chargée d’orienter les efforts internationaux en vue de vaincre la faim. D’après cette étude, les dommages causés aux cultures par les animaux entraînent des pertes pouvant aller de 7 % à 40 %, voire 100 % dans les cas extrêmes, ce qui oblige les agriculteurs à consacrer plus de temps et de ressources pour compenser ces dommages. La trousse FarmGuard émet des ultrasons inaudibles et sans effet sur les êtres humains, mais qui sont nocifs pour les animaux et dont la nuisance les repousse hors des champs.
« En aidant mes parents au champ, nous avons passé beaucoup de temps à observer les tendances de certains problèmes auxquels font face les agriculteurs de notre région. Il y a des saisons où nous avons malheureusement enregistré un faible rendement à cause de l’invasion par les animaux », dit-elle en faisant allusion aux situations où les animaux auraient dévasté et mangé les cultures. En utilisant des méthodes traditionnelles, les parents de Mbou auraient réglé le problème, entre autres, en les chassant physiquement, en recourant aux produits chimiques, ou en improvisant, en accrochant des papiers sur des bâtons stratégiquement placés à travers le champ pour servir d’épouvantails. Il va sans dire que ces méthodes n’étaient pas pleinement efficaces et constituaient en fait en elles-mêmes un danger pour la santé des cultures, des animaux et des humains. « C’est ce qui m’a inspiré à sortir des sentiers battus. Nous avions besoin de quelque chose qui puisse faire beaucoup plus de travail avec beaucoup moins de ressources, sans nuire à la santé des plantes, des animaux et des personnes. »
Lorsque l’un de ses mentors lui a envoyé un lien du concours et l’a exhortée à y participer, elle n’a pas hésité et s’est appliquée en toute confiance, sachant que si elle gagnait son projet aurait un impact positif sur le secteur agricole de son pays et au-delà. Au niveau national du Cameroun, elle avait figuré au cinquième rang d’un concours précédent et était optimiste pour la compétition de l’UAT. Il lui a fallu deux jours pour satisfaire les différentes exigences et poser sa candidature au concours.
« J’ai eu un peu peur de déposer mon dossier parce que nous avions des candidats de toute l’Afrique. Je savais également que mon projet était novateur et cela m’a donné la confiance nécessaire », reconnaît-elle.
Pendant la cérémonie de remise des prix, elle a suivi attentivement en compagnie d’amis et a eu du mal à croire lorsque son nom a été lu. « Alors que mes amis me félicitaient, je suis restée sous le choc des résultats ! » Elle se souvient, reconnaissant également que c’était la première fois qu’elle participait à un concours international, et que le fait de figurer parmi les meilleurs, lui procurait un sentiment tellement fantastique qui demeurera dans son esprit pour toujours.
Mbou et son équipe s’attèlent désormais à développer leur idée originale. « Nous avons amélioré notre invention au fil du temps. Il s’agit d’un processus de découverte et de redécouverte », souligne Mbou qui a eu l’avantage d’être associée à des conférenciers et à des mentors qui l’ont aidée avec des conseils techniques et l’ont même intégrée à des forums de renforcement des capacités sur l’entrepreneuriat. D’après elle, ces forums lui ont ouvert l’esprit à la possibilité d’accroître l’innovation en Afrique et au-delà.
En revenant sur l’impact de ses antécédents sur son innovation, elle fait remarquer que « nous cherchons à réduire ces problèmes parce que vous pouvez imaginer la quantité de travail que nécessite l’entretien des champs, et qu’à cause des animaux vous en perdiez vraiment beaucoup. Ces énormes pertes doivent être minimisées. »
Son principal objectif est de faire de la solution le choix de tous les agriculteurs. Depuis qu’elle est lauréate, elle est allée plus loin pour parachever le développement du prototype et y apporte actuellement des améliorations. Désireuse d’aller de l’avant, dans cette seconde phase d’amélioration du prototype, l’équipe a acheté des composants plus performants afin d’améliorer notamment l’angle d’ouverture et le rayon d’action du kit FarmGuard. En outre, sur la base des recommandations d’Intel, l’équipe a intégré dans le kit des fonctionnalités permettant de pratiquer une agriculture intelligente qui s’adapte au climat et permet de garantir la sécurité alimentaire pour tous.
Bequerelle envisage mener d’autres études et travailler avec d’autres personnes et groupes partageant les mêmes idées pour réaliser ses rêves. Elle demeure fière des membres de son équipe et de tous ceux qui croient en ce projet. Aujourd’hui, elle utilise son nouveau titre pour inspirer les jeunes de sa communauté, car elle espère qu’ils auront de meilleures opportunités.
Ses besoins les plus urgents pour l’avenir comprennent : la création d’une industrie pour la production du kit à grande échelle et qui permettra de soutenir d’autres projets novateurs qui sont parfois abandonnés par les promoteurs à cause du manque de ressources pour la création de prototypes. Elle s’attend à ce que cette industrie soit un pôle technologique de référence et de soutien à l’innovation. « Ses avantages sont nombreux : doter les jeunes de compétences, créer des emplois, accélérer le développement économique et bien d’autres. Nous espérons avoir des partenaires qui nous aideront à concrétiser cette vision », conclut la visionnaire de 23 ans.
Le Concours de l’innovation pour l’Afrique 2020 de l’UAT a été organisé en partenariat avec Huawei Technologies Company Limited, le sponsor principal du Concours, ainsi qu’Intel Corporation, l’Association GSM, l’Union internationale des télécommunications, le ministère égyptien des Communications et des Technologies de l’information, Broadband Infraco SOC Limited et RCD Africa.
Des informations supplémentaires sur « FarmGuard » sont disponibles sur le site Web https://mbou-tech.com/